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LA JOURNÉE DU MANUSCRIT·VENDREDI 27 AVRIL 2018
Discours d’ouverture des Assises du livre en Afrique 25 avril 2018 au Salon du livre de Genève.
Pour ces premières assises du livre en Afrique, plusieurs projets innovants vont vous être présentés. Ils sont tous de nature à développer l’édition dans l’espace francophone par l’innovation. Nous espérons que vous vous associerez à ces projets dans vos pays respectifs afin de leur donner ou de renforcer leur dimension internationale et qu’ainsi ils puissent devenir des alternatives crédibles aux plateformes américaines.
Au XXè siècle, les sciences économiques établissaient que les monopoles freinaient le développement d’une économie. C’est la raison pour laquelle les Etats Unis avaient mis en place une législation anti-trust très stricte qu’ils ont mis en œuvre à plusieurs reprises pour démanteler des empires, les deux plus connus étant Rockfeller et ATT.
Aujourd’hui nous devons constater que cette loi n’inquiète pas vraiment les GAFA qui sont pourtant en situation de monopole au regard de leur part de marché supérieur à 90% dans plusieurs secteurs. Ces positions dominantes sont d’ailleurs régulièrement dénoncées par plusieurs économistes de renom dont le prix nobel Paul Krugman, bête noire d’Amazon.
Seulement d’autres économistes ont élaboré un nouveau modèle : l’écosystème autour d’une firme pivot. Cette nouvelle théorie développée au milieu des années 90 par James Moore démontrerait que les GAFA sont bénéfiques pour l’économie car elles accélèrent les innovations et les mettent à la disposition des entreprises de leurs éco systèmes.
Accessoirement elles permettent aussi aux Etats Unis de renforcer leur domination sur l’économie mondiale et de poursuivre leurs objectifs impérialistes.
Mais revenons à l’économie. Est-ce que Moore a raison ? Est-ce que le leadership de ces entreprises est vraiment le meilleur moyen pour favoriser l’innovation ?
Un chercheur français Pierre Barbaroux a récemment réalisé une étude* sur ARPANET, l’ancêtre de l’Internet. Sa conclusion est opposée au modèle de MOORE. En effet il conclut que ce qui a permis cette innovation majeure qui a changé nos vies est plus due aux coopérations informelles entre ses membres qu’au rôle de l’Agence centrale mise en place par le gouvernement américain.
Alors j’ai appelé Monsieur Barbaroux et je lui ai posé une question toute simple : « que peut-on faire pour développer l’édition francophone en dehors d’Amazon ? » Sa réponse est simple : il faut créer une nouvelle valeur basée sur une innovation et obtenir l’adhésion des autres acteurs de l’édition.
Cet appel téléphonique date d’avant-hier et pourtant c’est exactement ce que nous avons fait avec la Journée du Manuscrit.
Créées en 2010, les Editions du Net ont développé une plateforme d’édition de livres papier en impression à la demande. Contrairement à Amazon, notre plateforme est ouverte à l’ensemble des acteurs de l’édition : éditeurs, auteurs et libraires. Nous comptons parmi nos clients l’INSEE, la BNF, Chapitre.com, de nombreux éditeurs et 5000 auteurs. Aujourd’hui notre plateforme gère 350 000 livres disponibles pour tous les distributeurs et les libraires.
En 2013, nous avons créé la Journée du Manuscrit en nous inspirant de la Fête de la Musique. Cette journée que nous avons fixé le 24 octobre permet à tous les auteurs de publier gratuitement un livre. Dès la première année cela a été un succès avec 400 livres publiés, de nombreux auteurs étrangers, 50 000 abonnés Facebook. Bref un vrai buzz. Aussi dès 2014 nous avons étendu cette journée à toute la francophonie en partenariat avec la Francophonie et de sa chaîne de télévision, TV5Monde. Notre page Facebook compte plus 700 000 abonnés.
En 5 ans, plus de 2000 auteurs ont participé venant de 35 pays. Les auteurs gardent l’intégralité de leur droit d’auteur et sont libres de signer un contrat d’édition.
De nombreux soutiens se sont agrégés de manière spontanée et informelle :
- des écrivains, citons ceux qui constituent notre jury : Michel Dansel - dont le dernier livre Le Paris des curieux sort en mai chez Larousse - Hervé Ayemene, Wilfreid N’Sondé - que je félicite car il reçoit le Prix Kourouma sur ce Salon de Genève pour son livre Un océan, deux mers, trois continents chez Actes Sud, qui est un chef d’oeuvre.
- des officiels, en premier lieu notre parrain Maurice Bandaman, Ministre de la Culture et de la Francophonie de Côte d’Ivoire, Malick Ndiaye, alors Ministre de la Culture du Sénégal, Laurent Fabius, alors Ministre des Affaires étrangères, Getachew Endiga, Directeur Général de l’Unesco, Audrey Azoulay, alors Ministre de la Culture et actuellement Directrice Générale de l’Unesco, Jack Lang, Ministre de la Culture à vie et Président de l’Institut du Monde Arabe, enfin le dernier en date et non des moindres Emmanuel Macron, Président de la République Française.
- des éditeurs avec le soutien du Syndicat National du Livre français.
- des libraires indépendants et nos partenaires Chapitre.com, site vendant des livres dans l’espace francophone, et France Loisirs, Premier Club de lecteurs francophones.
La Journée du Manuscrit Francophone était une première, une innovation dans le monde de l’édition. Un tel succès ne pouvait pas passer inaperçu et Amazon a tout simplement copié la Journée du Manuscrit Francophone en créant les « plumes francophones ». Evidemment les livres alimentent son écosystème et aucun libraire n’en vendra jamais un seul. De même l’auteur est lié par un contrat d’exclusivité et n’est pas libre de signer un contrat d’édition.
Evidemment nous pouvons regretter que la Francophonie nous ait retiré son soutien pour l’offrir à Amazon en mettant à sa disposition sa chaîne TV5Monde** qui pour la troisième année assure la publicité de cet événement et donc de cette entreprise. Les écrivains fondateurs de l’Organisation Internationale de la Francophonie doivent se retourner dans leurs tombes en voyant cette promotion d’Amazon.
Au début nous étions furieux et nous étions persuadés qu’Amazon allait détruire la Journée du Manuscrit Francophone.
Mais finalement malgré les moyens de promotion incomparables d’Amazon, malgré le soutien de la Francophonie, malgré les nombreux articles presse. La Journée du Manuscrit Francophone a confirmé son succès d’année en année et surtout elle a battu Amazon.
Pourquoi ? parce que pour Amazon la Francophonie n’est qu’un segment marketing et les « plumes francophones » n’ont ainsi jamais quitté Paris.
Alors que la Journée du Manuscrit s’est transportée à Dakar, Abidjan, Genève et j’ai le plaisir de vous annoncer que la prochaine édition se déroulera à Alger le 24 octobre prochain.
Alors pour en revenir à Messieurs Barbaroux et Moore, j’invite tous les acteurs de l’édition francophone, les institutions et les pouvoirs publics à rejoindre la Journée du Manuscrit Francophone qui à son petit niveau participe au développement d’un écosystème du livre indépendant d’une firme pivot, américaine de sur-croit.
Henri Mojon, Président des Editions du Net, Fondateur de la Journée du Manuscrit Francophone
* Innovation disruptive et naissance d’un écosystème : voyage aux origines de l’Internet de Pierre Barbaroux https://journals.openedition.org/rei/5787
** http://www.leblogtvnews.com/2018/04/tv5monde-et-amazon-lancent-une-nouvelle-edition-du-concours-les-plumes-francophones.html